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Daniel AUDUC

8 mars 2009

L’ école publique, facteur d’intégration en grand danger !

Je lisais ce 1 mars dans le JSL, un article intitulé « L’école, le travail et la guerre, des facteurs d’intégration ». L’objet de l’article était l’intégration des populations polonaise du bassin minier dans les années 1925/1950.  Si la question du travail et de la guerre ne concerne pas mon propos, celle de l’école en revanche m’intéresse. Aujourd’hui autant qu’hier en effet, la question du rôle de l’école dans le processus d’intégration sociale et culturelle reste d’une brûlante actualité.

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S’il ne s’agit plus naturellement de l’intégration des migrations massives , l’enjeu reste de même nature lorsqu’il s’agit de traiter de la cohésion sociale, de la construction des solidarités actives par opposition aux phénomènes d’exclusion et de ségrégation sociale, économique et culturelle.
Le rôle de l’école –de l’école publique- est essentiel à cette conception républicaine d’une société d’équilibre et de justice, d’équité et de solidarité. Dès lors qu’on ne remet pas en cause, évidemment, le principe de la scolarisation obligatoire, la question de l’accueil de tous les  enfants et des jeunes habitant le territoire national reste entière. La seule réponse qui puisse lui être apportée dans une République laïque, est celle de l’école publique, la seule école qui ait vocation à les accueillir tous, des moins aux plus favorisés. C’est de là que naît cette vocation d’intégration Cela passe naturellement déjà par l’existence et la défense d’une école maternelle accueillante au plus tôt, en particulier dans les zones où les difficultés sociales, économiques et culturelles s’accumulent.  Une maternelle dont les apprentissages doivent être défendus comme autant de prérequis indispensables à la construction des savoirs fondamentaux et à ceux de la vie sociale. Cela passe encore par une institution scolaire qui soit capable de se concevoir autour de l’intérêt de l’enfant plutôt que de la satisfaction des besoins du marché ; en favorisant plutôt la prise en compte des rythmes de vie et des modes de construction des connaissances que de la recherche de la performance ; une école de la construction curieuse et expérimentée des savoirs plutôt que du formatage des esprits. Cela suppose que le bloc « primaire-secondaire » de l’école soit conçu globalement comme une offre de formation citoyenne et républicaine plutôt que de l’être comme un outil de sélection précoce.
Notre école ne va pas bien. Elle a besoin de réforme, c’est vrai. Mais aucun des traitements qui lui sont prescrits ne l’aideront à reprendre des couleurs. On doit même craindre le pire et s’autoriser à accuser le prescripteur de tous ces remèdes, de maltraitance délibérée ; l’école publique est en grand danger.
Qu’il s’agisse  de la réforme des contenus ( programmes du primaire, réforme du lycée), ou de la semaine scolaire, des suppressions de postes, de la disparition des dispositifs de prise en charge de la difficulté scolaire, de la dérogation au périmètre scolaire, de l’évaluation performante, pour ce qui est des élèves…
qu’il s’agisse de la mastérisation de la formation des enseignants, de leur précarisation par le jeu « subtil » des heures supplémentaires (HSA) compensant la réduction des dotations horaires globales (DHG), de la création d’une agence nationale de remplacement comme de celle des établissements publics d’enseignement primaire (EPEP), de l’instauration du service minimum d’accueil,….
pour n’en citer que les principales, aucune de ces réformes n’a été pensée ni dans l’intérêt de l’école, ni dans l’intérêt des élèves et de leurs familles.
Jamais concertées, elles ne servent qu’un projet inavouable: celui du démantèlement méticuleux du système éducatif et de son service public d’Education nationale. Une fois dépecé, il ne coûtera rien sur le marché et les prédateurs ne manqueront pas.
Alors, si le triomphe absolu de la marchandisation du système devait aboutir, il se trouverait peut-être un nostalgique de l’école publique pour écrire dans les colonnes de ce journal qu’ « au début du XXIème siècle, l’école aurait pu se voir confirmer dans son rôle de facteur d’intégration… »

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8 mars 2009

L’école républicaine est un bien d’intérêt collectif.

Il n’y a pas un des maux de la société dont l’école ne soit rendue, d’une manière ou d’une autre, plus ou moins responsable. C’est bien connu et, de tous temps, on renvoie à l’école la charge et la mission d’anticiper par sa bienveillante action éducative, les déviances sociétales, les déséquilibres culturels, les dysfonctionnements nombreux d’une société qui a perdu sa raison.

Pourquoi pas, dès lors que l’école est le seul point de passage obligatoire pour tous depuis la disparition du service militaire qui, lui, ne concernait au demeurant que les garçons.

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La mission républicaine de l’institution scolaire conserve toute sa noblesse si l’on veut bien considérer qu’elle a d’abord à offrir aux générations successives de citoyens les chances les plus équitables de leur formation: apprendre, à lire et à compter, bien sûr; construire des connaissances scientifiques et humanistes, fournir les outils de ces mêmes cultures scientifiques et humanistes; développer l’esprit critique, favoriser l’éclosion des sensibilités artistiques; épanouir les aptitudes physiques ; construire des valeurs morales et citoyennes.

Tâche d’autant plus lourde qu’elle se doit aussi de suivre, sinon d’anticiper, les extraordinaires progrès technologiques des sociétés modernes dont elle a la charge d’en offrir la maîtrise à ses élèves.

Ainsi, l’école publique, dans un système idéal, est sans conteste l’un des meilleurs outils d’intégration citoyenne et républicaine que l’on puisse imaginer. Son bon fonctionnement contribue alors à modeler une société nationale harmonieuse, composée de citoyens avertis, bref, un corps social équilibré, régi par un registre de valeurs partagées.

Sauf que la réalité est tout autre et que l’école n’est au fond que le reflet de la société qui la dessine. Elle fonctionne sur les mêmes principes d’inégalités sociales, culturelles, économiques.

Les déclarations vertueuses n’y suffisent pas. La revendication des moyens non plus.

Au raisonnement simpliste qui renvoie à l’école la responsabilité des insuffisances de la société, il faut substituer une réflexion sérieuse sur la perversité d’une société qui triture son école, au gré des inflexions politiques, jusqu’à la rendre inopérante.

Depuis l’origine où, faut-il le rappeler, la vocation de l’école - en se fixant l’objectif essentiel d’apprendre à lire et à compter à tous les enfants de la République - consistait à offrir à chaque citoyen les moyens de son libre arbitre, il n’y eut pas d’autre réforme, parmi les innombrables proposées, que celle de 1989 qui ait l’ «audace» de placer l’élève au cœur de ses préoccupations.

On passait en effet, avec cette loi d’orientation, d’un système de «moule unique» pour tous à une école centrée sur la réussite de chacun.

Même s’il ne s’agit pas de vouer aux gémonies la vieille école républicaine qui a satisfait longtemps à sa mission en élevant considérablement nos niveaux de connaissances et de culture, il faut bien intégrer l’idée que les publics qui la fréquentent désormais n’ont plus rien à voir avec ceux pour qui on l’avait inventée.

Et, si l’outil de promotion sociale et culturelle imaginé au début du siècle dernier a permis, sans conteste, l’essor considérable du développement économique de notre société moderne, l’objet de l’école aujourd’hui est de servir d’autres ambitions, d’autres projets.

Ce sont, en effet, les modes de développement économique de notre société qui ont engendré la plupart des dysfonctionnements dont on tient trop souvent l’école pour responsable parce qu’elle faillirait à sa mission.

Mais peut-on indéfiniment renvoyer sur cette institution séculaire la responsabilité d’appréhender les défis de notre fonctionnement collectif quand dans le même temps on s’absout de toute réflexion sur l’objectif qu’on lui fixe en se contentant, le plus souvent, de réformes programmatiques qui s’empilent, les unes sur les autres, à la manière d’un mille-feuilles?

Certes non!

On ne raisonne école, dans ce pays, qu’en termes de refonte des programmes, d’adaptation de l’horaire scolaire aux besoins de l’industrie du tourisme, de périmètre scolaire et de postes.

Si ces préoccupations sont loin d’être totalement négligeables, elles ne doivent certainement pas présider seules à l’organisation du système.

Qu’on ait le courage, rapidement, d’un grand et vrai débat sur ce que l’on attend de l’école républicaine, d’un débat sans tabou qui ne se traduise pas seulement dans un rapport sans suite comme on en a la malheureuse habitude.

Il est urgent de savoir ce que l’on veut faire pour savoir comment on le fera.

Alors, quand on aura décidé de ce que doit être la mission de l’école, on pourra en définir les contenus et les moyens qu’on lui attribue.

Et si, comme je pense qu’il est indispensable que cela soit, le cœur de nos préoccupations n’est pas de savoir quelle méthode d’apprentissage on choisira pour la lecture, ni même si les élèves doivent se lever à l’apparition de leurs maîtres ou chanter la Marseillaise chaque matin, mais qu’il est bien plutôt de savoir comment le système éducatif peut effectivement prendre en charge la réussite de chacun des élèves qu’il accueille et pour cela prendre en charge effectivement ses particularités et ses difficultés, alors la question des moyens que la République donne à son école pour relever les défis qu’elle lui fixe prendra un tout autre sens.

La désespérance en l’avenir qui pousse aujourd’hui nombre de jeunes à manifester devant les mesures incompréhensibles, parce qu’elles n’ont pas de fondement d’objectif, qui sont prises budget après budget vient d’abord de ce que ces jeunes ont le sentiment que la société dans laquelle ils vivent n’a pas de projet pour eux et qu’elle ne leur offre pas l’espace de ceux auxquels ils pourraient aspirer.

Le désarroi des enseignants, blackboulés par des réformes absconses dont ils ne perçoivent pas l’intérêt, mis en cause dans leurs parcours professionnels par des mesures administratives ou budgétaires arbitraires, s’exprime le plus souvent dans des replis corporatistes.

Et l’incompréhension des familles ne se mesure qu’à l’aune des incohérences d’un système à bout de souffle.

L’école républicaine n’est pas l’affaire d’un ministre, ni même celle d’un gouvernement; elle est un bien d’intérêt collectif.

Si la société tout entière ne se la réapproprie pas, il est probable qu’elle dépérisse pour cause de faillite et dès lors, on regrettera ici sa disparition tragique, tandis qu’on célébrera là, l’émergence d’autant d’écoles qu’il y aura de projets marchands.

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